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L’intelligence artificielle (IA) et le recrutement

Depuis quelques années, les outils informatiques dotés d’algorithmes utilisant l’intelligence artificielle (IA) ont petit à petit gagné l’ensemble des étapes du processus de recrutement. Ainsi, dès 2018, plus de 60% des recruteurs utilisaient déjà l’intelligence artificielle. Dans l’imaginaire collectif, et pour beaucoup de CEO, il existe un lien très clair entre IA et performance. L’IA permettrait d’obtenir de meilleurs résultats dans les processus de recrutement.
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À l’heure où tout le monde s’extasie devant les prouesses de Chat-GPT, l’Intelligence Artificielle peut-elle être une mine d’or dans le cas du recrutement? Bien que les promesses soient nombreuses (gain de temps, meilleure sélection des profils…), l’IA appliquée aux recrutements soulève de réelles questions. Notre article se propose de vous aider à y voir plus clair.

Quel est le cadre légal pour l’IA ?

En avril 2023, un projet de règlement a été édicté en France comme en Union Européenne. Ce dernier se nomme AI Act. Ce dernier classe les systèmes destinés à servir pour le recrutement dans une catégorie intitulée « systèmes d’IA à haut risque ». Cette catégorie englobe les systèmes d’IA qui peuvent avoir des effets négatifs potentiels sur les droits fondamentaux des citoyens européens. Progressivement, ce texte va s’étoffer et intégrer des règles spécifiques et des audits réguliers pour les logiciels d’IA.

Jusqu’à présent, le droit du travail français et les règlements européens sont dotés de cadres généraux protégeant les candidats lors du processus d’embauche. Néanmoins, les inégalités sont telles entre les différents États de l’UE qu’un règlement européen global sur l’IA apparaît indispensable.

Actuellement, il existe un réel décalage entre les multiples promesses d’efficacité ultime, couplée à l’objectivité la plus intelligente et absolue. La réalité est qu’il existe peu (voire pas) d’études scientifiques transversales globales traitant de ce sujet.Avant de tirer les leçons objectives sur l apport de l’IA dans un process de recrutement, il faut du temps.

Grâce à l’IA, un recrutement plus efficace et plus rapide ?

Les solutions logicielles qui intègrent l’IA (à divers niveaux) concernent désormais l’ensemble des étapes d’une campagne de recrutement. Les avantages promis par ces systèmes sont :

  • Un avantage économique, car un processus de recrutement utilisant l’IA est plus rapide et efficient. Certains développeurs avancent même une réduction par quatre du temps nécessaire pour finaliser un recrutement ;
  • Un avantage technique, car l’IA est capable de traiter un volume gigantesque de données. De plus, elle effectue des classements divers et variés selon les critères qu’on lui donne ;
  • Un avantage éthique qui permet (en théorie) d’échapper aux stéréotypes touchant les recruteurs humains lors de l’analyse d’une candidature

Les logiciels dotés d’une IA présentent également des avantages lors de la phase de sourcing et de web scraping. Les développeurs promettent que ces logiciels améliorent le processus de récupération des data repérables sur les CV. De plus, elle collecte les données trouvées sur les réseaux sociaux. En étant récupérées quasi automatiquement par l’IA, ces informations et permettent un gain de temps et de main d’œuvre.

Certains cabinets utilisent l’IA sous la forme de chatbots dans la phase de présélection d’un dossier. Ainsi, ils proposent des tests personnalisés et orientent les candidats vers le poste le mieux adapté. Alors, l’expérience du candidat est « améliorée ». De quelle façon ? Grâce à la diminution du stress ressenti et la ludification de l’expérience candiat. Les entreprises peuvent ainsi rediriger les compétences des recruteurs humains vers des tâches plus complexes et qualitatives. Ainsi, ils se délestent des étapes fastidieuses et chronophages. Certaines entreprises utilisent l’IA pour leurs entretiens, par le biais d’outils d’analyse automatique de vidéos. Certaines entreprises poussent loin le concept en promettant d’analyser le langage non verbal et les attitudes corporelles des candidats. Et ce, afin de définir leur fiabilité.

Enfin, ajoutons que toutes ces missions sont réalisées sans stéréotype sur la couleur de peau, le langage ou encore l’apparence physique. Rappelons que l’IA est (soi-disant) objective. Les créateurs de logiciels de recrutement IA promettent donc à leurs utilisateurs un recrutement plus efficace, rapide et inclusif.

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L’IA et ses imperfections

Les créateurs de logiciels IA ont beau assurer que leurs logiciels sont objectifs et sont exempts des « défauts » des recruteurs humains. Doit-on y croire sur parole ?
Loin de supprimer, ou même de réduire les discriminations, certains outils de recrutement « intelligents » peuvent même générer de nouvelles discriminations.
En effet, n’oublions pas qu’une IA est le fruits d’humains avec leurs faiblesses et leurs préjugés, comme tout à chacun. Durant la programmation de l’outil « intelligent », les développeurs peuvent (inconsciemment) y incorporer leurs propres préjugés.

Ainsi, les algorithmes qui mixent les éléments de la personnalité, les expressions faciales se basent sur des postulats de départ discutables. Réussir à décoder et décrypter de manière efficace les émotions humaines est très complexe. Surtout, on note des variations selon la culture ou l’ethnie du candidat.

Certains logiciels et algorithmes vantent le Machine Learning. Ici, les algorithmes s’appuient sur des data, s’en servent pour apprendre et ajuster ensuite leurs réponses. Le problème est que les bases servant à l’entraînement de l’algorithme peuvent être fausses ou biaisées, rendant l’algorithme moins performant.

Le système de l’IA est loin exempt de préjugés

Pour la réalisation de tests divers, l’IA est mise en avant pour sa soi-disant « neutralité ». En effet, si l’on regarde en surface, on peut se dire qu’avec une machine, pas de place à l’interprétation. Les réponses sont justes ou fausses, tout simplement. Néanmoins, même les tests qui se revendiquent neutres, les problèmes liés au stéréotype peuvent survenir. Face à certains tests, un candidat peut avoir l’impression d’être jugé selon un préjugé négatif incluant son groupe d’origine. Ainsi, cela est susceptible de provoquer un stress et une chute des performances. L’exemple le plus évident est celui d’une femme qui passerait un test de maths. Ayant un résultat affecté par le stress généré par l’intériorisation de l’idée qu’une femme serait forcément moins performante qu’un homme.

Si ces tests sont réalisés avec une IA, une autre forme de stress peut se créer pour les candidats moins à l’aise avec le digital. Ainsi, ils pourraient parfaitement moins réussir leur test si la méthode de sélection est digitale. Ici, nous pourrions prendre l’exemple d’un candidat senior qui n’a pas forcément l’habitude d’utiliser ce type d’outils, et qui craindrait d’être moins performant qu’un candidat plus jeune.

Enfin, l’algorithme peut être générateur d’erreurs basées sur des corrélations érronées qui prêtent à confusion. Par exemple, jouer au golf est statistiquement un loisir très représenté chez les cadres dirigeants. Cependant, tous les candidats jouant au golf ne peuvent pas pour autant occuper un poste de dirigeant. Le fonctionnement de la plupart des algorithmes est méconnu. Ces derniers sont trop complexes, ce qui empêche l’humain de comprendre son raisonnement. Dans ce cas, cela peut poser des problèmes.

Un algorithme d’IA trop complexe peut-il être viable ?

Malgré des progrès immenses effectués, restons prudents. Aujourd’hui, les tâches sont réparties assez clairement avec celles plus basiques, longues et fastidieuses pour l’IA. Ainsi, les tâches plus complexes et celles impliquant un choix final réservées à l’humain. L’IA est donc, pour le moment, envisagée comme un outil d’aide à la présélection et à la décision prise par l’humain.

Rapidement, l’être humain est aveuglé par les perspectives innovantes promises par le potentiel de l’IA. Les recruteurs déclarent clairement faire davantage confiance aux recommandations données par leurs collaborateurs plutôt que celles offertes par un logiciel. Cependant, ils utilisent de plus en plus les algorithmes divers et variés à leur disposition. Et ce, principalement pour des raisons de rapidité, même si leur efficacité est encore moindre.

Dans le domaine du recrutement, comme dans de nombreux autres domaines, il est absolument nécessaire de prendre le temps d’attendre. Faisons preuve de prudence car si les recruteurs suivent de manière aveugle des recommandations pouvant être erronées ou discriminantes, fournies par des logiciels/algorithmes qui ne sont pas transparents et compréhensibles, les risques sont grands pour l’entreprise qui utilisant ces outils.

Pour conclure, une IA se doit d’être transparente sur les données qui servent de base au modèle d’analyse. Elle doit être enfin compréhensible, explicable et interprétable par l’utilisateur, afin de pouvoir vérifier et expliquer ses choix. Le cerveau humain a encore de beaux jours devant lui.

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